Théorie Mimétique
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"Mécanisme du bouc émissaire" et "symbolicité"

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"Mécanisme du bouc émissaire" et "symbolicité" Empty "Mécanisme du bouc émissaire" et "symbolicité"

Message  Martin Sam 2 Juil - 13:22

J'avoue d'abord que ma compréhension du lien entre symbolicité et mécanisme du bouc émissaire est approximative. Je vais donc expliquer ce que je comprends. La plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu'elle a. :-)

Un bouc émissaire est substitué, d'après la théorie mimétique, à notre rival, ou bien à nos rivaux. La violence opère de telles substitutions. Je ne peux pas casser la figure à mon patron, je vais donc me passer les nerfs sur mon chien, ma femme ou mes enfants.

Un mot, un symbole, est aussi substitué à la chose qu'il désigne.

La victime d'un sacrifice est aussi substituée à la victime d'un phénomène de bouc émissaire antérieur.

Le phénomène de bouc émissaire, par sa répétition, prépare donc le terrain (cérébral) à l'apparition du langage qui manie non plus seulement les signes (les sons ou les gestes qui désignent ceci ou cela, y compris des actions, dans un contexte donné) mais aussi et surtout les symboles, qui remplacent les choses, qui leur sont substitués, les mots, donc, qui peuvent permettre d'en parler hors de tout contexte où la chose serait effectivement présente. Le sacrifice, ensuite, continue de développer puissamment cette capacité de substitution, par sa capacité à remplacer régulièrement, rituellement, une victime par une autre.

Le mécanisme du bouc émissaire (présent dans le phénomène de bouc émissaire mais aussi dans le sacrifice) est ainsi le moteur de l'émergence puis du développement de la « symbolicité », de la capacité à manipuler des symboles, et non plus seulement des signes.

Comme le mécanisme du bouc émissaire est aussi pour la théorie mimétique l'origine du religieux sacrificiel archaïque, les premiers mots, les premiers symboles qui s'impriment durablement dans les esprits, sont vraisemblablement les cris associés au lynchage collectif d'une victime mémorable. Les premiers symboles sont aussi, plus concrètement encore, les victimes des premiers sacrifices. Les primates ont un langage mais la capacité d'abstraction, la capacité à mémoriser et à remplacer une réalité par des mots, émerge peu à peu du sacré.

René Girard relève le nombre impressionnant de mots parfaitement « laïcisés » dont l'origine est religieuse. « Critiquer » c'est d'abord tuer une victime. Le précieux « dévouement » est d'abord synonyme de « sacrifice », ni plus ni moins. Au XVIIe siècle encore, « dévouer » veut dire « sacrifier ». Etc.

Notre vocabulaire vient essentiellement du religieux archaïque, du sacrifice, même si certains mots on pu naître ensuite, bien sûr, en-dehors du religieux, sur le modèle des précédents et sur la base du développement de la capacité à les produire. Cette capacité à les produire, à produire des « symboles » indépendants des réalités qu'ils désignent, vient de la capacité croissante des hominidés à manipuler les gestes et les sons de la violence collective et du sacré. Nos dictionnaires, en un sens, sont des cimetières : ils portent sans que nous le sachions la trace d'anciennes victimes, dont ils collectionnent sans le savoir les noms. La vie des idées est marquée par la mort antérieure d'innombrables victimes. Penser, c'est toujours un peu imiter, bien sûr, mais c'est aussi un peu persécuter.

Bon, là, ça devient franchement mystique ! :-)

N'empêche, le mécanisme du bouc émissaire, à travers les phénomènes de bouc émissaires et les sacrifices, éduque les esprits à la symbolicité, à la capacité à substituer une chose à une autre et à s'en souvenir en son absence, à la capacité à développer de la sorte une pensée abstraite.

L'intelligence humaine, qui a besoin de symboles (de substituts, d'évocations, de rappels de souvenirs, décontextualisés), pas seulement la communication, qui elle peut se contenter de signes (de désignations dans un contexte donné), émerge ainsi à partir des mécanismes de la violence et du sacré qui en sont non pas l'origine précise à un instant donné mais qui sont le « moteur » de son développement sur une échelle de temps évolutionniste.

Martin
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"Mécanisme du bouc émissaire" et "symbolicité" Empty Méditation sur la violence, la faim, le désir sexuel et le langage

Message  Martin Dim 17 Juil - 17:02

Comme la violence, la faim ou le désir sexuel sont capables de substitutions. Pourquoi ne pas voir en eux aussi des sources d'apprentissage possibles de la symbolicité (de la capacité à substituer une chose par une autre et au final une chose par un mot) ?

La faim et la violence sont probablement associés chez les chimpanzés puisqu'ils dévorent leurs victimes, que ce soit dans leurs attaques d'un autre groupe ou au sein d'un groupe comme pour ces chimpanzés rentrés bredouilles de la chasse qui tuent puis dévorent le bébé chimpanzé d'une femelle nouvelle venue dans le groupe. Un bébé chimpanzé ressemble à cet autre singe, le colobe, proie habituelle, quasi-sacrificielle car elle leur ressemble, des chimpanzés. Tuer et manger assouvit à la fois la faim et la violence. Le désir sexuel est mobile surtout chez les bonobos. S'il ne peut pas s'assouvir chez l'un il s'assouvit chez l'autre. Il se substitue aussi à la violence. Le rapport sexuel apaise la violence. Les bonobos en font usage pour éteindre les conflits naissants. Les cris de la faim ou les cris de la sexualité sont donc aussi propices à l'émergence et au développement de la symbolicité.

La gestion de la violence, cependant, est de plus en plus décisive à mesure que les capacités mimétiques des hominidés se développe, donc leur propension à entrer en conflits mimétiques, avec le risque toujours présent de voir leur groupe se dissoudre dans des crises inextinguibles, dans des flambées de violence d'abord, puis plus tard dans des crises qui se prolongent avec le développement de la vengeance (mémoire et imitation différée de la violence). De la violence naît le sacré, la violence protectrice, et son vocabulaire occupe probablement davantage l'esprit que la faim ou le désir sexuel parce qu'elle devient parfois terrifiante. Les analogies entre la faim, le désir sexuel et la violence, ont dû trouver plus facilement à s'exprimer dans le langage de la violence et du sacré, dans ses cris puis dans ses mots, que la violence dans le langage des deux autres, même si les premières violence intraspécifiques sont cannibales et même si les bonobos offrent un autre type d'évolution possible, qui s'est peut-être combinée avec le régulation de la violence par la violence à la façon des chimpanzés.

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