Théorie Mimétique
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Crises économiques et crises mimétiques

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Crises économiques et crises mimétiques Empty Crises économiques et crises mimétiques

Message  Martin Jeu 7 Juil - 16:12

Dans Obélix et Compagnie, la crise économique qui secoue l'empire romain, une crise de surproduction de menhirs, est aussi en même temps une crise... "mimétique" puisque tout le monde se met mimétiquement à produire des menhirs en surnombre, parce que ça rapporte, et à chercher à les vendre sur la base de la publicité qui joue notamment sur "ce qui rend jaloux les voisins". Tout repose comme dans La Zizanie sur le désir de devenir "l'homme le plus important du village" mais cette fois, en devenant "le plus riche". Le snobisme des hommes d'affaires est épinglé. On y voit aussi que la plus jolie femme du village est attirée par Obélix devenu riche. La réussite aimante le désir. Goscinny a un sens de l'observation et de la synthèse extraordinaires. Dans cet album, l'amitié reprend le dessus, Obélix se lasse de son activité chronophage de chef d'entreprise, le village retrouve son autarcie, l'empire romain seul est ruiné. L'emballement mimétique de la production, la publicité devenant nécessaire pour vanter les mérites d'un produit inutile, la diversification des produits, la baisse des prix pour écouler les stocks, les grèves et le chômage induits par la concurrence effrénée : tout y est !

Les économistes regardent-ils dans cette direction-là ? Je l'ignore. Ils y gagneraient, cependant, je pense. Les mécanismes économiques sont inséparables des êtres humains qui les portent et les êtres humains sont des êtres de désir. L'imitation joue chez eux un grand rôle. Un scénariste est obligé de tenir compte de ces données élémentaires que trop de mathématiques peuvent facilement faire oublier.

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Une "panique" boursière est aussi un emballement mimétique. La création d'une "bulle" spéculative également, de même que sa "crevaison": idolâtrie puis victimisation mimétiques. Jean-Pierre Dupuy a conscience de ces phénomènes.

On trouve une illustration caricaturale mais juste d'un emballement mimétique dans le secteur bancaire dans Mary Poppins (vers le milieu de cet extrait). Le refus du directeur de rendre deux pences aux enfants engendre une rumeur de faillite dont la nouvelle se répand et conduit les clients à se précipiter aux guichets pour réclamer leur argent, pour tenter de le retirer. Effet boule de neige et effet papillon !

Dans leur blog, Quentin Delval et Stéphane Zampelli s'efforcent de penser les aspects mimétiques de la crise financière qui a récemment secoué l'économie.

L'analyse mimétique la plus intéressante de cette même crise que j'ai trouvée sur internet figure dans le blog de Thierry Klein où il explique que notre comportement de consommateurs joue contre nos intérêts de salariés (vouloir mimétiquement toujours plus de produits toujours moins cher conduit à des délocalisations) et que la publicité engendre un "emballement de la consommation" qui a débouché aussi sur l'endettement de certains jusqu'à devenir insolvables.

Marie-Claude Sicard, dans Danse avec les renards, étudie elle aussi les ressorts mimétiques de la consommation. Pour elle, l'homme est un "animal mimétique" mais certains, les publicitaires, sont plus renards que singes et manipulent nos désirs.

Tout cela mérite d'être approfondi mille fois.

La consommation repose très largement sur l'envie, la concurrence sur la rivalité, la "guerre" devient "économique", des crises secouent régulièrement l'économie et des victimes sont comme "sacrifiées" sur "l'autel du marché" comme l'explique Mark Anspach (c'est bien sûr une image car ces victimes, les pauvres, les précaires, les chômeurs, les personnes jetées à la rue ou privées d'accès aux soins, sont plutôt laissées pour compte, abandonnées). L'économie "contient" la violence, aux deux sens du verbe "contenir", comme l'explique Jean-Pierre Dupuy.

Si l'économie produit en masse des produits en principe partageables, certaines matières premières sont au contraire en quantité limitée (comme le pétrole, le cuivre, …) et suscitent convoitises, spéculations, et qui sait, demain, peut-être, des conflits. La rareté est aussi source de crise. Toutes les crises économiques ne sont bien sûr pas purement mimétiques à la base même si elles le deviennent ensuite dans leur développement. De même, l'accroissement du chômage s'explique aussi par la mécanisation, l'informatisation, l'automatisation à outrances de certaines tâches. Le besoin de main d'œuvre diminue et les effets de cette diminution ne sont que partiellement compensés par la consommation de nouveaux produits et par le développement de nouveaux services.

René Girard explique à propos de la peste que l'on n'en a trouvé les vrais remèdes qu'à partir du moment où l'on a cessé de croire qu'elle était due à l'action malfaisante de coupables. La recherche de boucs émissaires en cas de crises fait obstacle à la recherche patiente de leurs vraies causes.

Bien comprendre l'économie, notamment dans ses composantes mimétiques, pourrait conduire à trouver de vrais remèdes aux crises économiques.

Martin
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