Les neurones miroirs

Voici l'article le plus intéressant sur internet qui fait le lien entre la découverte des neurones miroirs et la théorie mimétique :


Après la rivalité mimétique, où s'arrête ce brillant article, viennent les crises mimétiques et les tous contre un mimétiques.

La découverte des neurones miroirs et de "l'imitation d'intentions", de "buts" (analogues au "désir mimétique" dont parle la TM), met en lumière les bases biologiques de l'apprentissage, de l'empathie, mais aussi de la violence humaine.

Voici un entretien paru dans le magazine Clés avec Jean-Michel Oughourlian, neuropsychiatre et psychologue qui a travaillé avec René Girard et Guy Lefort à la rédaction de Des choses cachées depuis la fondation du monde, concernant les neurones miroirs :

La découverte des neurones miroirs confirme la théorie mimétique mais elle en montre aussi quelques limites :

1) On peut désormais observer des zones du cerveau en pleine activité mimétique mais la distribution des zones du cerveau, elle, n'est pas mimétiquement déterminée (encore que, une activité mimétique dévorante peut peut-être parfois "coloniser" des zones du cerveau qui ne lui étaient pas initialement dédiées ?) mais génétiquement. Cette répartition est le résultat de la biologie et de l'évolution mais elle doit différer aussi selon les individus, selon les sexes. Nous avons des dispositions différentes. De même que la morphologie dispose davantage certains individus aux courses d'endurance et d'autres au sprint, de même notre patrimoine génétique dispose aussi vraisemblablement les individus à des activités différentes. Chacun a probablement sa propre "morphologie" cérébrale, car chacun a ses aptitudes, son caractère. Le cerveau n'est pas une "pure" machine à imiter. Nous ne sommes pas des clones mais des individus génétiquement différenciés d'une même espèce dont le fonctionnement du cerveau repose pour une large part, jusque là méconnue, sur l'imitation.

2) Les mécanismes mimétiques font partie du fonctionnement du cerveau mais d'autres mécanisme interviennent et se combinent avec l'imitation. Les hormones, par exemple, influencent le fonctionnement du cerveau et diffèrent selon les individus et les sexes. Testostérone et œstrogènes influencent vraisemblablement notre pensée, notre comportement. Je suis très ignorant du rôle de quantité de substances comme les neurotransmetteurs, la sérotonine, etc., mais leur action montre que l'imitation n'est pas toute l'activité cérébrale, qu'elle interagit avec d'autres mécanismes. La découverte des neurones miroirs enracine la théorie mimétique dans la biologie et cet enracinement devrait préserver ceux qui s'en réclament de la tentation d'absolutiser l'imitation au point d'en venir à penser que tout est acquis et rien inné ; que tout est culturel et rien naturel ; etc.

3) Les neurones peuvent avoir une activité mimétique mais une autre de leur fonction est de se connecter les uns aux autres, de s'organiser en réseaux. Ce qui est d'abord apprentissage, imitation, devient donc, par le jeu des connexions neuronales, structure, au sein de notre cerveau. Nos apprentissages, nos imitations, par leur répétition et par les réseaux neuronaux qui se créent dans ces occasions, deviennent en nous une "seconde nature". L'imitation est un phénomène que l'on pourrait qualifier de "relationnel" mais une imitation répétée devient peu à peu une seconde nature, devient structure biologique, organisation neuronale, que l'on perd en mourant, qui ne se transmet que si d'autres nous imitent ! L'imitation cesse peu à peu d'être imitation : une activité d'abord très mimétique devient avec le temps plus machinale, plus mécanique ; l'imitation, l'apprentissage, se porte ailleurs. Imiter plusieurs modèles, ensuite, fait que chacun est un patchwork, une synthèse de ses imitations passées. Comme chacun devient une synthèse différente, toutefois, du nouveau peut surgir même de l'imitation : la rencontre de plusieurs modèles peut en faire surgir de nouveaux ! L'imitation n'est pas qu'imitation à l'identique, elle peut être aussi rencontre, synthèse de plusieurs "modèles". Certaines activités, enfin, sont à la fois mimétiques et créatrices. Parler, par exemple, s'appuie sur des imitations passées (on acquiert mimétiquement le langage sur la base de sa possibilité biologique) mais fait surgir aussi du nouveau, adapté à la situation.

1) Différences génétiques, 2) différences chimiques et hormonales, 3) différences acquises par imitation et part de liberté, d'innovation, doivent nous préserver de la tentation que crée l'idée d'imitation de tout ramener à l'identique.

L'imitation a lieu entre individus différenciés, elle génère de l'identique mais aussi des synthèses différentes, et autorise l'innovation.

-------