Théorie Mimétique
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Limites de la non-violence chrétienne

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Limites de la non-violence chrétienne Empty Limites de la non-violence chrétienne

Message  Martin Sam 16 Juil - 23:27

On trouve dans le Catéchisme abrégé de l’Église catholique des limites claires à la non-violence chrétienne :

"§ 467. Par la légitime défense, on fait le choix de se défendre et de mettre en valeur le droit à la vie, la sienne propre ou celle d'autrui, et non le choix de tuer. Pour qui a la responsabilité de la vie d'autrui, la légitime défense peut être aussi un devoir grave. Toutefois, elle ne doit pas comporter un usage de la violence plus grand que ce qui est nécessaire."

C'est bien d'"usage de la violence" dont il est question dans la légitime défense. J'approuve cette définition, surtout lorsqu'on défend la vie d'autrui. Mais je constate aussi qu'elle contredit tranquillement la règle que le § 375 présente comme intangible : "Quelles normes la conscience doit-elle toujours suivre ? [...] 1) Il n'est jamais permis de faire le mal pour qu'il en résulte un bien. [...]" Force est de constater que la sévérité absolue, l'intransigeance des moralistes catholiques sur ce principe s'évanouit lorsqu'il s'agit de la violence, sans qu'ils s'en aperçoivent eux-mêmes ! Non pas une fois, cependant, mais plusieurs fois, puisque le Catéchisme admet également la peine de mort, § 469, "en cas d'absolue nécessité". Ils font jouer alors l'opposition entre coupable et innocent, mais la violence est néanmoins un mal, permis dans certains cas.

Même cette opposition entre violence (mesurée) infligée à un coupable et violence (inacceptable) infligée à des innocents ne tient pas parfaitement, concrètement, dans les prescriptions du Catéchisme, lorsqu'il s'agit de violence, puisque la guerre elle-même est quelquefois permise, et chacun sait que la guerre n'épargne pas les innocents :

"§ 483. Quand peut-on moralement consentir à l'usage de la force militaire ?
Le recours à la force militaire est moralement justifié par la présence simultanée des conditions suivantes : la certitude d'un dommage subi grave et durable ; l'inefficacité de toute solution pacifique ; les conditions sérieuses d'un succès ; l'absence de maux plus grands, étant bien considérée la puissance actuelle des moyens de destruction.
"

L’Église ne prône pas la non-violence absolue. Il me paraît utile de le rappeler, parce que la théorie mimétique parle toujours du christianisme en termes de non-violence, ce que je ne conteste pas du tout, bien au contraire, mais René Girard ne précise jamais les limites que le christianisme lui-même donne à cette non-violence. On sait par quelques interviews qu'il n'est pas totalement pacifiste, mais on sait mal où passe pour lui la limite entre violence permise et non permise. Peut-être n'en parle-t-il pas parce qu'il ne le sait pas lui-même précisément ? On a l'impression parfois qu'il réserve la violence chrétienne à ce "christianisme sacrificiel" qu'il dénonce dans Des choses cachées sans préciser non plus exactement de quoi il s'agit précisément pour lui. Pour le chrétien "girardien", le "christianisme sacrificiel", c'est donc souvent toujours un peu celui des autres : celui des progressistes s'il est conservateur, celui des conservateurs s'il est progressiste.

Le christianisme n'est pas aussi parfaitement pacifique que le voudraient ceux qui cherchent à l'opposer aux autres religions. S'il oppose à la violence un meilleur obstacle, parce que le Christ a su mettre le sacrifice de soi au cœur de ses rites, au cœur la liturgie, il en admet aussi l'usage mesuré comme dernier recours. Il rend aussi la violence "apocalyptique" d'après Girard en nous privant des protections sacrificielles, du mécanisme réconciliateur du bouc émissaire dans ses versions archaïques comme dans ses versions modernes. Il n'a pas à la violence, en tout cas, le rapport parfaitement unilatéral qu'il faudrait pour le mettre en rivalité mimétique avec les autres religions, ce qui est une façon parmi d'autres, je pense, de le trahir. Fonder l'entente chrétienne sur la critique unanime des autres religions relève du phénomène de bouc émissaire.

Les moralistes catholiques, enfin, devraient prendre conscience qu'ils enfreignent eux-mêmes une règle qu'ils présentent par ailleurs comme absolue : "la fin ne justifie pas les moyens". Le catholicisme, pour être crédible, doit être cohérent, soit dans le sens de la souplesse, soit dans le sens de la rigueur, soit dans le sens de la pédagogie, mais cohérent. La violence est un mal si puissant qu'il fait transgresser les principes les plus fermes aux moralistes les plus intransigeants. Légitime défense, peine de mort, usage de la force militaire, tous les trois limités, mesurés, pensés comme ultimes recours : autant d'entorses permises au "tu ne tueras point".

Martin
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