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Une histoire chrétienne du sacrifice

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Une histoire chrétienne du sacrifice Empty Une histoire chrétienne du sacrifice

Message  Martin Sam 2 Juil - 15:26

Dans Les Origines de la Cultures, René Girard n'a plus envers les sacrifices archaïques la dureté qu'il avait envers eux dans Des choses cachées. Il ne les approuve pas, bien sûr, mais il les excuse davantage, il les regarde avec une indulgence nouvelle, parce qu'il les inscrit dans une vision chrétienne qui les assume, qui les englobe, qui les convertit.

Dans un passage extrêmement fort, je trouve, des Origines de la Culture, p. 129, que je ne peux que reproduire ici, il affirme :

« J'aimerais écrire une interprétation chrétienne de l'histoire de la religion, qui serait en fait une histoire du sacrifice. Je montrerais que les religions archaïques ont véritablement éduqué l'humanité, qu'elles l'ont sortie de la violence archaïque. Puis, Dieu est devenu une victime afin de libérer l'homme de l'illusion d'un Dieu violent, illusion qui doit être abolie en faveur de la connaissance que le Christ reçoit de son Père. On peut considérer les religions archaïques comme le premier stade de la révélation progressive qui culmine dans le Christ. Ainsi, quand certains disent que l'Eucharistie est enracinée dans le cannibalisme archaïque, il ne faut pas le nier, mais l'affirmer au contraire ! La véritable histoire de l'humanité est une histoire religieuse qui remonte au cannibalisme primitif. Le cannibalisme primitif est la religion, et l'Eucharistie récapitule cette histoire, de l'alpha à l'oméga. Tout cela est primordial, et une fois qu'on l'a compris, il faut nécessairement admettre que l'histoire de l'homme inclut ce début meurtrier : Caïn et Abel. »

Caïn et Abel ont pour lui valeur de symbole : prenant en compte les données de l'éthologie, René Girard, désormais, inscrit dans la durée ce début meurtrier. Mais son regard plus indulgent envers le sacrifice archaïque se retrouve dans ce qu'il explique encore à propos de l'Ancien Testament, p. 131 :

« L'Ancien Dieu montre encore des composantes de violence, mais ces composantes sont nécessaires pour comprendre qu'il y a à la fois rupture et continuité entre le religieux archaïque, sacrificiel et la révélation biblique, qui nous fait émerger hors du sacrifice, mais ne nous autorise pas à condamner les sacrifices comme si nous étions, par nature, étrangers à la violence. »

« A la fois rupture et continuité » !...

René Girard ne s'oppose plus de front au polythéisme. Page 114, on lui pose cette question : « C'est à ce moment-là que la Révélation et le monothéisme se seraient opposés au phénomène de bouc émissaire et au polythéisme ? » Il répond : « Il n'y a pas opposition, elle serait mimétique, mais quelque chose de plus puissant à la longue : l'acceptation qui est aussi la révélation que je viens de définir. »

« Il n'y a pas opposition, elle serait mimétique » !...

Même chrétiens, nous ne devons pas faire semblant que nous serions « par nature, étrangers à la violence ».

Condamner brutalement le religieux archaïque et toutes ses survivances, c'est être en rivalité mimétique envers lui, c'est le diaboliser outrancièrement. On a dû reprocher à Girard d'être trop hostile à son sujet d'études. Il a mis de l'eau dans son vin. Il reconnaît désormais dans le religieux archaïque le frein et l'obstacle qu'il a opposé à des violences pires encore, la première forme d'éducation de l'humanité, etc., reposant cependant sur une dangereuse « illusion », l'illusion d'un « Dieu violent », que le christianisme « révèle ». Il ne s'agir plus pour René Girard d'affronter le religieux sacrificiel archaïque mais de l'accepter et de le révéler, selon ses propres termes, en l'inscrivant dans « une histoire du sacrifice » qui serait aussi « une interprétation chrétienne de l'histoire de la religion ».


Dernière édition par Vincent le Dim 10 Juil - 12:24, édité 1 fois

Martin
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Une histoire chrétienne du sacrifice Empty Le sacrifice archaïque est une "moindre" violence

Message  Martin Mer 6 Juil - 16:43

René Girard affirme souvent que les débats que l'on a à la télévision sur le religieux sont faux. Pour lui, les religions ne sont pas (ou pas principalement) des sources de violence mais au contraire des protections contre la violence, des remparts (plus ou moins adroits) que les hommes dressent devant leur propre violence. Le lien qu'il met en évidence entre la violence et le sacré ne lui fait pas perdre de vue que même les religions sacrificielles sont une moindre violence que les hommes opposent à des formes de violence pires encore, qu'ils opposent à la violence généralisée, à la violence autodestructrice.

Il écrit ainsi, au début d'Achever Clausewitz : "Des millions de victimes innocentes ont ainsi été immolées depuis l'aube de l'humanité pour permettre à leurs congénères de vivre ensemble ; ou plutôt de ne pas s'autodétruire. Telle est la logique implacable du sacré, que les mythes dissimulent de moins en moins, au fur et à mesure que l'homme prend conscience de lui-même. Le moment décisif de cette évolution est constitué par la révélation chrétienne, sorte d'expiation divine où Dieu en son Fils demanderait pardon aux hommes de leur avoir révélé si tard les mécanismes de leur violence. Les rites les avaient lentement éduqués, les hommes allaient dorénavant devoir s'en passer. [...] La Passion a dévoilé une fois pour toutes l'origine sacrificielle de l'humanité. Elle a défait le sacré en révélant sa violence. / Mais le Christ a aussi confirmé le divin que toutes les religions portaient en elles. Le paradoxe incroyable, que personne ne veut accepter, est que la Passion a libéré la violence en même temps que la sainteté. Le sacré qui depuis deux mille ans "fait retour" n'est donc pas un sacré archaïque, mais un sacré "satanisé" par la conscience qu'on en a, et qui signale, à travers ses excès mêmes, l'imminence de la Parousie." (p. 10-12)

Pour René Girard, toute religion, même sacrificielle, est protectrice, éducatrice et porte en elle du divin. De plus, le sacré archaïque n'est pas le sacré "satanisé", plus conscient de lui-même, qui revient après la Passion.

Ainsi, pour René Girard, le sacrifice archaïque "contient" la violence, aux deux sens du verbe "contenir", selon une expression souvent reprise par Jean-Pierre Dupuy (le sacrifice chrétien, lui, fait obstacle à la violence mais accepte de la subir et ne l'exerce pas). Le condamner abruptement est comme condamner abruptement les autres religions : c'est méconnaître que leur fonction sociale est la même que celle du christianisme (même s'il est seul à inverser radicalement le sacrifice d'autrui en sacrifice de soi, même s'il s'oppose au phénomène de bouc émissaire comme aucune autre religion, même si le sacrifice archaïque peut s'emballer comme chez les aztèques, etc.).

Le christianisme assume et achève l'histoire religieuse de l'humanité. Il n'entre pas en rivalité mimétique avec le sacrifice archaïque, il l'accepte, il le révèle, il met au grand jour sa violence, car le Christ a subi le phénomène de bouc émissaire qui en est le fondement, mais surtout, bien sûr, il le convertit, car il remplace la logique de la moindre violence par celle de la non violence (le catéchisme admet tout de même quelques exceptions à la non violence chrétienne comme la légitime défense mesurée, la guerre comme dernier recours, etc.), car il remplace, surtout, au cœur de son culte, au cœur de la liturgie, le sacrifice d'autrui par le sacrifice de soi.

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