Chansons et théorie mimétique

Certaines chansons sont révélatrices d'un aspect ou d'un autre de la théorie mimétique. Celles qui relèvent directement du "souci des victimes" sont classées dans un autre sujets mais d'autres ont un contenu anthropologique, mimétique, sacrificiel, etc., intéressant. Je commence par l'une de mes préférées, apocalyptique à souhait comme la pensée de René Girard, prophétique, même, qui cherchait en son temps à dépasser les rapports de doubles entre USA et URSS, au nom de l'amour que les êtres humains portent à leurs enfants :


C'est la voix de la sagesse mais cette voix sera-t-elle toujours écoutée et par tous ?

Toujours dans le registre d'une tentative de dépassement des rapports de doubles, une chanson de Renaud :


Le propos est discutable : peut-on légitimement mettre sur le même plan la violence terroriste, qui fait des victimes civiles volontairement, et la violence militaire qui fait des victimes civiles aussi, certes, mais indirectement, en visant en règle générale des objectifs militaires ? René Girard, cependant, met également en rapport de doubles attentats terroristes et "frappes chirurgicales", qui ont comme point commun de viser un objectif ciblé, limité, précis. L'intention, cependant, n'est pas la même. Les "frappes chirurgicales" veulent limiter au maximum la violence, et ne faire, si possible, que des victimes militaires, alors que l'attentat terroriste veut faire au contraire un maximum de victimes, même civiles, à partir d'un point précis, avec la plus grande économie de moyens possible.

Renaud met également dans le même sac tous les prétextes à faire la guerre dont, d'après lui, "les dieux, les religions", avec quelque vraisemblance certes, du point de vue de l'histoire, mais sans voir que les religions sont aussi des remparts plus ou moins maladroits que les hommes opposent à leur propre violence. L'anarchisme qu'il défend par ailleurs est-il si pacifique ? En Russie, il a suscité des terroristes nihilistes et en Espagne, il a fourni des combattants. Il y a des pacifistes et des bellicistes partout, malheureusement. Tout mettre sur le dos des religions, en particulier du christianisme qui s'est développé d'abord pacifiquement, par la persuasion et le martyre, c'est en faire des boucs émissaires faciles. L'athéisme, au XXe siècle, à travers les idéologies athées nazies et communistes, fait observer Girard, a fait cent mille fois plus de victimes que toutes les Inquisitions réunies.

L'inspiration la plus haute de cette chanson est certainement de révéler la dimension sacrificielle de la violence et son caractère universel plutôt que réservé à quelques-uns : les deux personnages évoqués meurent en effet l'un et l'autre :

Une formule très en phase, je trouve, avec la théorie mimétique.

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Une chanson déjà citée dans un autre sujet, "Masculin, féminin", forum "discussions et débats sur la psychologie", ensuite, sur les différences hommes, femmes, dans leur rapport à la violence, avec quelques exceptions, bien sûr, cristallisées dans un bouc émissaire féminin (perçu comme tel et donc pas pris complètement au sérieux puisqu'un "peut-être" récurrent atténue l'injustice relative du propos) :


Les couplets sont plus intéressants que le refrain et font l'inventaire de violences typiquement masculines. Un instrument d'introspection, on peut raisonnablement l'espérer, comme certains sketches comiques qui épinglent aussi les différences de comportement entre les hommes et les femmes.

Une chanson de Brassens sur le voyeurisme de la foule, qui ne se rassemble pas seulement autour du "cadavre" comme dit le Christ mais aussi autour du scandale :

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Une autre chanson, sacrificielle, vengeresse, puisque les victimes en sont les gendarmes, ridiculisés, brocardés, alors qu'ils interviennent pour tenter de mettre fin à un conflit généralisé "à propos de bottes d'oignons", mais révélatrice également car Brassens y reconnaît que "sous tous les cieux sans vergogne, c'est un usage bien établi, dès qu'il s'agit de rosser les cognes, tout le monde se réconcilie" :


Les forces de l'ordre qui manient une violence en principe légitime, sont souvent la cible des chansonniers ou des comiques. Ils dénoncent souvent légitimement des violences réelles, passages à tabac, etc., mais les policiers font aussi de très bons boucs émissaires dans les milieux contestataires : même leurs interventions les plus légitimes, comme ici, sont dénigrées. Leur rôle protecteur est passé invariablement sous silence, comme s'ils avaient le monopole de la mauvaise violence, comme s'ils n'avaient en face d'eux que des enfants de chœur. Il n'y a pas que les bourgeois qui ne crachent pas sur la police, il y a aussi les citoyens responsables, qui ont des enfants tout simplement, par exemple, et qui comprennent que les policiers, au moins en démocratie, ne font pas gratuitement usage de la violence, en règle générale. Bien des policiers se mettent sans doute à ressembler mimétiquement à ceux qu'ils côtoient souvent quotidiennement, à ceux qui agressent, volent ou tuent, mais sont-ils originellement les plus violents ?

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Une chanson antisacrificielle, enfin, puisqu'elle s'élève contre la peine de mort à une époque où elle est encore en vigueur en France, mais par des moyens comiquement sacrificiels, puisqu’elle est vengeresse, l'une des plus connues de Brassens :