Archéologie et théorie mimétique

Mes recherches sur internet me conduisent en ce moment à vérifier l'étonnante affirmation de René Girard selon laquelle les spécialistes des différents peuples, des différentes civilisations, de la préhistoire, etc., minimisent très fréquemment le rôle de la violence dans leurs sujet d'étude. C'est l'archéologie, explique-t-il, bien souvent, qui leur met sous le nez ce qu'ils ont tendance à occulter. Les traces de sacrifices humains aux quatre coins du monde se multiplient. Les archéologues ne s’embarrassent pas, ou s'embarrassent moins, de vénération envers les sociétés qu'ils étudient. L'archéologie confirme souvent les thèses de la théorie mimétique. En voici encore un exemple : Traces de sacrifices humains chez les Mayas.

Quelques exemples encore de ces confirmations de la théorie mimétique apportées par les archéologues dans une série de vidéos (de 1 à 4, je ne mets que la première, ensuite il suffit de continuer : 1 4, 2 4, 3 4, 4 4) :


La théorie mimétique répond à la question "pourquoi ?" : "pourquoi" des sacrifices humains aux quatre coins de la planète ? Elle doit contredire pour cela la réponse de ceux qui les pratiquent : ce n'est pas "parce que les dieux le veulent" qu'ils ont lieu, mais parce que les hommes le veulent. Ils ne le veulent pas, cependant, par pure méchanceté ou pure superstition mais parce que le mécanisme du bouc émissaire, présent aussi chez nos cousins les chimpanzés, les a habitués à gérer leur violence par la violence. Le sacrifice est le phénomène de bouc émissaire devenu habituel, organisé, rituel. Les raisons que les hommes se donnent pour sacrifier ne sont pas les vraies causes, les causes profondes des sacrifices. Les causes profondes des sacrifices sont la violence des hommes et ses origines mimétiques (désir mimétique des mêmes objets, rivalités mimétiques qui s'ensuivent, crises mimétiques puis "tous contre un" mimétiques qui en découlent). Les sacrifices sont des "tous contre un" mimétiques organisés. Ils sont le phénomène de bouc émissaire devenu habitude, passé dans les mœurs, devenu coutume. Ils reposent sur le mécanisme du bouc émissaire. Les victimes des sacrifices sont des boucs émissaires méconnus comme tels. Ils ne sont pas victimes des dieux mais des hommes, dont la violence s'abrite derrière la violence et les demandes supposées des dieux.

Ce qui est surprenant, ce n'est donc pas la présence de sacrifices humains ici ou là : ils sont universels. Ce qui est surprenant, c'est plutôt leur absence, leur évolution vers le sacrifice animal (qui n'empêche pas que bien souvent le sacrifice humain ressurgisse dans des occasions importantes), et parfois, plus rarement, le renoncement total au sacrifice.

A la fin du documentaire, le commentateur rapproche les sacrifices humains des spectacles de gladiateurs et affirme que c'est "la foule" qui "se plaisait à faire couler [leur] sang". Il cite Shakespeare pour dire que "la faute" n'est pas dans "les astres" mais "en nous". La théorie mimétique ne dit rien d'autre. Cette intuition est souvent balayée par les spécialistes de telle ou telle civilisation, de telle ou telle tradition sacrificielle, qui ne veulent entendre aucune autre explication que celles que les sacrificateurs donnaient eux-mêmes à leurs actes. Mais le rapprochement des sacrifices aux quatre coins du globe et la diversité des raisons invoquées par les sacrificateurs suggèrent que l'explication réelle de leurs actes leur échappe. Littéralement : "ils ne savent pas ce qu'ils font". Les hommes abritent leur violence derrière celle des dieux. Comment les spécialistes peuvent-ils croire les sacrificateurs alors qu'ils ne croient pas eux-mêmes aux dieux anciens ?