Moeurs des chimpanzés et théorie mimétique
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Moeurs des chimpanzés et théorie mimétique
Martin Ven 17 Juin - 22:16
Les chimpanzés sont parmi les plus mimétiques des animaux. Ils sont capables d'empathie (phénomène mimétique positif) mais sont aussi parfois extrêmement violents : ils pratiquent la chasse collective au colobe (une autre espèce de singes), ils tuent collectivement les individus isolés des autres clans et les mangent, ils pratiquent l'infanticide, le cannibalisme, les réseaux de dominance sont chez eux très instables, etc.
Si leurs ancêtres communs avec les premiers hominidés avaient des mœurs analogues à celles des chimpanzés, observer le fonctionnement de leur violence, c'est observer la matrice du religieux archaïque d'après la théorie mimétique.
L'association, chez eux, de la violence collective et du cannibalisme évoque le phénomène de bouc émissaire et les premiers rites sacrificiels.
Que nous apprennent leurs mœurs sur la théorie mimétique ? Et qu'est-ce que la TM peut apporter à ceux qui étudient leurs mœurs ?
Si leurs ancêtres communs avec les premiers hominidés avaient des mœurs analogues à celles des chimpanzés, observer le fonctionnement de leur violence, c'est observer la matrice du religieux archaïque d'après la théorie mimétique.
L'association, chez eux, de la violence collective et du cannibalisme évoque le phénomène de bouc émissaire et les premiers rites sacrificiels.
Que nous apprennent leurs mœurs sur la théorie mimétique ? Et qu'est-ce que la TM peut apporter à ceux qui étudient leurs mœurs ?
Dernière édition par Vincent le Mer 23 Nov - 8:26, édité 2 fois
Martin- Admin
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Vidéos sur les chimpanzés et leur violence
Martin Dim 19 Juin - 17:24
J'espère que ces liens demeureront :
C'est cette vidéo et sa suite, malheureusement absente, qui m'a convaincu que les violences des chimpanzés sont pré-sacrificielles.
Dans la suite, si mes souvenirs sont bons, on abordait les violences cannibales au sein d'un groupe. Le commentaire affirmait que les femelles tuaient parfois le bébé d'une femelle étrangère, nouvelle venue dans le groupe. Et l'on voyait, surtout, un groupe de mâles, rentrés bredouilles de la chasse, dont un membre s'emparait du bébé d'une nouvelle venue, le tuait, et allait le manger avec les autres mâles, se le passant de l'un à l'autre, attendant leur tour, dans une espèce de pré-rituel sacrificiel.
Voici une autre vidéo éloquente :
Les chimpanzés sont bien sûr nos cousins, pas nos ancêtres, mais si nos ancêtres communs avec les chimpanzés avaient des mœurs semblables, le religieux archaïque est en germe dans l'animalité dès qu'un certain seuil mimétique est atteint, correspondant à un degré important de violence.
Qu'en pensez-vous ?
C'est cette vidéo et sa suite, malheureusement absente, qui m'a convaincu que les violences des chimpanzés sont pré-sacrificielles.
Dans la suite, si mes souvenirs sont bons, on abordait les violences cannibales au sein d'un groupe. Le commentaire affirmait que les femelles tuaient parfois le bébé d'une femelle étrangère, nouvelle venue dans le groupe. Et l'on voyait, surtout, un groupe de mâles, rentrés bredouilles de la chasse, dont un membre s'emparait du bébé d'une nouvelle venue, le tuait, et allait le manger avec les autres mâles, se le passant de l'un à l'autre, attendant leur tour, dans une espèce de pré-rituel sacrificiel.
Voici une autre vidéo éloquente :
Les chimpanzés sont bien sûr nos cousins, pas nos ancêtres, mais si nos ancêtres communs avec les chimpanzés avaient des mœurs semblables, le religieux archaïque est en germe dans l'animalité dès qu'un certain seuil mimétique est atteint, correspondant à un degré important de violence.
Qu'en pensez-vous ?
Dernière édition par Martin le Sam 25 Mar - 12:38, édité 2 fois
Martin- Admin
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Deux autres vidéos
Martin Ven 1 Juil - 0:16
Une autre vidéo montrant un groupe important de chimpanzés mâles organisés, mobilisés, attaquant par surprise un groupe voisin, cherchant à tuer (une femelle a la chance d'échapper à sept d'entre eux qui la poursuivent), y parvenant, et dévorant une victime. Violence collective et cannibalisme, donc, encore une fois :
Et ci-dessous, une tentative de meurtre de bébés d'une femelle chimpanzé par d'autres femelles (type de meurtres fréquent parmi les chimpanzés) :
Femelle chimpanzé protégeant ses bébés - BBC wildlife
Nos ancêtres communs avec les chimpanzés étaient peut-être plus pacifiques, mais si la capacité mimétique est le moteur de la violence comme le pense René Girard, nos ancêtres directs à nous ont dû passer aussi, à partir d'un certain seuil mimétique, par une période où leurs comportements étaient voisins de ceux des chimpanzés. Comment ne pas voir dans ces phénomènes de violence collective et de cannibalisme avéré les germes du phénomène de bouc émissaire et des rituels cannibales, les germes du religieux sacrificiel archaïque ?
La vidéo manquante, dont j'ai parlé dans le précédent message, était plus éloquente encore : les mâles rentraient frustrés de la chasse, le bébé tué par l'un d'entre eux était donc clairement une victime de substitution, de plus il appartenait à une femelle étrangère, nouvellement venue dans le groupe, deux caractéristiques importantes des boucs émissaires ; enfin, la façon de manger le bébé, en rond, chacun attendant sagement son tour, se passant le cadavre de l'un à l'autre, évoquait vraiment, directement, une scène religieuse.
René Girard évoque la découverte récente de ces comportements des chimpanzés dans Les Origines de la Culture, qui obligent à repenser son hypothèse sur une échelle de temps évolutionniste.
La vidéo manquante, dont j'ai parlé dans le précédent message, était plus éloquente encore : les mâles rentraient frustrés de la chasse, le bébé tué par l'un d'entre eux était donc clairement une victime de substitution, de plus il appartenait à une femelle étrangère, nouvellement venue dans le groupe, deux caractéristiques importantes des boucs émissaires ; enfin, la façon de manger le bébé, en rond, chacun attendant sagement son tour, se passant le cadavre de l'un à l'autre, évoquait vraiment, directement, une scène religieuse.
René Girard évoque la découverte récente de ces comportements des chimpanzés dans Les Origines de la Culture, qui obligent à repenser son hypothèse sur une échelle de temps évolutionniste.
Dernière édition par Martin le Sam 25 Mar - 12:39, édité 3 fois
Martin- Admin
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Chasse collective au colobe - une autre espèce de singe
Martin Ven 1 Juil - 1:07
Les chimpanzés chassent aussi collectivement une sorte de cochon sauvage (vu dans un autre reportage) et une autre espèce de singe, le colobe. Ces image de chasse au colobe montrent que leur action est très organisée, qu'ils s'efforcent de piéger leurs proies, qu'ils se répartissent les rôles :
Dans Les Origines de la Culture, Girard discute de l'antériorité de la chasse par rapport au phénomène de bouc émissaire. Il considère bien sûr que le phénomène de bouc émissaire précède la chasse. Cependant, la conclusion souvent cannibale des violences intraspécifiques chez les chimpanzés suggère que la victime chimpanzé est comme substituée à la proie d'une chasse collective et non la proie substituée à une victime chimpanzé. La chasse collective, qui existe aussi chez quantité d'autres espèces animales, pourrait bien précéder les violences intraspécifiques. Mais il est plus que probable aussi, bien sûr, qu'une fois installés les premiers rituels sacrificiels, la chasse prend une dimension religieuse, ainsi qu'une fonction de gestion, d'expulsion, de la violence au sein du groupe qu'elle n'avait pas auparavant, ou pas au même degré. Chasse et phénomène de bouc émissaire ne peuvent qu’interagir car ce sont des formes voisines de violence collective. La guerre aussi, d'ailleurs, est une forme de violence collective et on n'en est pas loin dans la première vidéo du précédent message.
Dans Les Origines de la Culture, Girard discute de l'antériorité de la chasse par rapport au phénomène de bouc émissaire. Il considère bien sûr que le phénomène de bouc émissaire précède la chasse. Cependant, la conclusion souvent cannibale des violences intraspécifiques chez les chimpanzés suggère que la victime chimpanzé est comme substituée à la proie d'une chasse collective et non la proie substituée à une victime chimpanzé. La chasse collective, qui existe aussi chez quantité d'autres espèces animales, pourrait bien précéder les violences intraspécifiques. Mais il est plus que probable aussi, bien sûr, qu'une fois installés les premiers rituels sacrificiels, la chasse prend une dimension religieuse, ainsi qu'une fonction de gestion, d'expulsion, de la violence au sein du groupe qu'elle n'avait pas auparavant, ou pas au même degré. Chasse et phénomène de bouc émissaire ne peuvent qu’interagir car ce sont des formes voisines de violence collective. La guerre aussi, d'ailleurs, est une forme de violence collective et on n'en est pas loin dans la première vidéo du précédent message.
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Les humains sont plus mimétiques que les chimpanzés : démonstration
Martin Mar 12 Juil - 21:51
"Singer", pour nous, c'est "imiter". Mais entre le chimpanzé et l'être humain, le plus mimétique des deux n'est pas celui qu'on pense (deux vidéos en anglais, je ne mets en lien que la première, il suffit ensuite de cliquer sur la seconde) :
Cette expérience remarquable démontre que l'apprentissage humain passe par l'imitation de modèles, imitation étonnamment servile, mais pour cela peut-être, extrêmement efficace. Les chimpanzés, eux, ont cette capacité à imiter mais leur imitation est plus maladroite et ils dépendent moins de leur modèle.
Cette expérience remarquable démontre que l'apprentissage humain passe par l'imitation de modèles, imitation étonnamment servile, mais pour cela peut-être, extrêmement efficace. Les chimpanzés, eux, ont cette capacité à imiter mais leur imitation est plus maladroite et ils dépendent moins de leur modèle.
Dernière édition par Martin le Sam 25 Mar - 12:39, édité 1 fois
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Lien vers un résumé de la théorie mimétique
Martin Jeu 19 Jan - 14:42
Ce sujet est le plus consulté, je ne sais pas pourquoi.
Pour ceux que ça intéresse, voici un lien vers un résumé de la théorie mimétique :
L'essentiel est au début. C'est la succession entre :
désir mimétique => rivalité mimétique => crise mimétique => tous contre un mimétique (phénomène de bouc émissaire).
L'imitation livrée à elle-même n'est pas qu'un facteur d'apprentissage, de socialisation, d'uniformisation. Elle engendre aussi des jalousies, des conflits, des emballements, individuels ou collectifs, destructeurs. Chez les humains comme chez les chimpanzés. Chez les humains plus encore, même, que chez les chimpanzés ! Car les humains sont davantage mimétiques que les chimpanzés, ils sont plus capables encore, plus pétris, d'imitation !
L'essentiel est au début. C'est la succession entre :
désir mimétique => rivalité mimétique => crise mimétique => tous contre un mimétique (phénomène de bouc émissaire).
L'imitation livrée à elle-même n'est pas qu'un facteur d'apprentissage, de socialisation, d'uniformisation. Elle engendre aussi des jalousies, des conflits, des emballements, individuels ou collectifs, destructeurs. Chez les humains comme chez les chimpanzés. Chez les humains plus encore, même, que chez les chimpanzés ! Car les humains sont davantage mimétiques que les chimpanzés, ils sont plus capables encore, plus pétris, d'imitation !
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Petite précision sur l'empathie
Sarescaa Jeu 14 Jan - 23:52
Martin a écrit:Les chimpanzés sont parmi les plus mimétiques des animaux. Ils sont capables d'empathie (phénomène mimétique positif) (...)
Je ne connais pas très bien les chimpanzés et leur mode de vie. Qu'ils soient des animaux mimétiques, je ne le mets pas en doute. J'ai cependant une réticence à propos de l'utilisation du terme d'empathie. J'ai visionné une émission récemment sur France 5 qui expliquait justement ce qu'était l'empathie et où il était dit qu'il fallait la distinguer de la sympathie. Cette nuance n'est pas insignifiante, car dans le cas de la sympathie, il y a action et réaction fusionnelles, tandis que l'empathie suppose une certaine distance, c'est-à-dire une capacité symbolique de représentation qui fait que l'un soit capable de se mettre à la place de l'autre pour tenter de comprendre ce qu'il ressent, comment il se sent. Cette capacité est spécifiquement humaine, je crois, et ne concerne pas les chimpanzés.
Je voulais insister sur ce point parce que beaucoup de gens bien intentionnés font l'erreur de croire qu'il suffit d'être sympathique pour être en empathie. Ceci peut conduire cependant à un certain minimalisme dans les rapports interpersonnels et à empêcher toute évolution. Au contraire, avoir de l'empathie requiert une démarche plus complexe et plus exigeante, mais aussi parfois plus bénéfique, surtout s'il s'agit d'une relation d'aide. Les effets d'une vraie empathie sont plus particulièrement bénéfiques dans les sociétés complexes. L'empathie, la vraie, celle qui est portée par un système de représentations symboliques, a ceci de véritablement réconfortant pour l'autre, qu'elle est la manifestation d'un intérêt pour autrui par une personne capable de reconnaître néanmoins des distinctions et des différences et qui n'a pas besoin de tout niveler au "même" pour montrer de la bienveillance.
Sarescaa- Messages : 2
Date d'inscription : 14/01/2016 -
Identification à l'autre : empathie, sympathie
Martin Mystère Lun 18 Jan - 16:56
Sarescaa a écrit:J'ai cependant une réticence à propos de l'utilisation du terme d'empathie. [...] Cette capacité est spécifiquement humaine, je crois, et ne concerne pas les chimpanzés.
Frans de Waal s'est interrogé sur le bien-fondé de l'usage de ce terme pour les chimpanzés. Dans Le Singe en nous, il donne des exemples clairs de prise en compte de l'altérité de la part de chimpanzés ou de bonobos : l'un ou l'une d'entre eux qui s'occupe d'un oiseau blessé et tente de lui faire reprendre son vol ; un mâle qui a mordu un scientifique et quelques jours après cherche la blessure à l'endroit il se souvient l'avoir mordu pour y toucher avec délicatesse et exprimer ainsi son regret de l'avoir blessé ; un mère qui lui montre son bébé en prenant soin de l'attraper par les mains sur son ventre en croisant puis en décroisant les bras pour qu'il puisse voir le bébé de face ; etc. Ce sont des exemples d'empathie, d'identification intelligente, distanciée, à l'autre, pas seulement de sympathie, d'attention fusionnelle. Frans de Waal va plus loin en expliquant que les sentiments moraux sont présents dans la Nature, chez les primates et les mammifères supérieurs. Nous ne devons pas à l'animalité uniquement la violence, sur laquelle il ne fait pas l'impasse et qu'il étudie aussi longuement.
Pour le reste, je trouve très intéressante votre explication des différences entre sympathie et empathie. Vous pourriez, même, ouvrir un fil de discussion là-dessus dans la rubrique "Discussions et débats sur la psychologie", il serait bienvenu : sympathie et empathie sont des phénomènes mimétiques mais ne fonctionnent pas de la même manière. Je ne suis pas d'accord cependant sur la nécessité absolue du "symbolique", du langage, pour qu'il y ait distanciation, donc empathie. Je suis interpellé au contraire par cette idée de l'insuffisance, du côté "mensonge romantique" de la sympathie. La gentillesse mériterait la même critique. Les deux restent un brin égoïste, elles se marient bien avec l'hédonisme contemporain. La vraie bonté inclut une part de sacrifice, de dévouement, qui ne sont pas à la mode.
Martin Mystère- Messages : 26
Date d'inscription : 07/02/2014
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