Théorie Mimétique
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"Les dieux archaïques sont des boucs émissaires sacralisés"

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Message  Martin Sam 2 Juil - 14:34

C'est le point le plus mal compris de la théorie mimétique. J'y reviens donc, inlassablement.

Le "mécanisme du bouc émissaire" est "la machine à fabriquer les dieux" qu'évoque Jean Cocteau dans sa pièce consacrée à Œdipe, La machine infernale.

Dans un phénomène de bouc émissaire, la victime se voit attribuer, dans les sociétés archaïques, sur le mode de la rumeur, la responsabilité entière de la crise qui conduit au phénomène de bouc émissaire.

Dans des mentalités qu'il faut bien qualifier de très "superstitieuses", on attribue à la victimes des pouvoirs, des pouvoirs littéralement surnaturels, qu'elle n'a pas. On peut lui reprocher par exemple de "porter malheur", d'avoir ouvert par sa présence "la boîte de Pandore", d'être responsable à elle seule d'un énorme fléau (une épidémie, une inondation, un épisode de discorde généralisée). On la diabolise, la haine unanime la rend dans les esprits de ses accusateurs infiniment plus malfaisante qu'elle ne l'est en réalité. Les sorcières au Moyen Age ont été ainsi diabolisées. On leur prêtait des pouvoirs qu'elles n'avaient pas. Pour comprendre la théorie mimétique, il faut seulement comprendre qu'une personne ainsi diabolisée à l'extrême, considérée comme une "sorcière", et un dieu archaïque, c'est un peu la même chose, c'est très voisin.

Pour passer d'une victime diabolisée à outrance telle qu'une "sorcière" à un dieu archaïque, il faut simplement rajouter une part de vénération, qui s'ajoute à la diabolisation. La diabolisation transporte déjà une victime humaine dans le surnaturel : les sorcières volent sur leur balai, dansent le sabbat avec le diable, ont des pouvoirs magiques maléfiques, concoctent des potions diaboliques, etc. Si elles étaient vénérées en plus d'être unanimement détestées, si on leur rendait un culte sacrificiel, elles seraient des divinités ou des personnages mythologiques archaïques parfaitement acceptables !

Ce qui se passe dans les communautés archaïques qui ne se produit pas au Moyen Age, c'est qu'après avoir tué la victime, on lui rend grâce à elle de l'effet réconciliateur de ce meurtre collectif, ainsi que du soulagement de voir disparaître la menace (imaginaire mais terrifiante) qu'elle représente, alors qu'au Moyen Age, on en rend grâce seulement à Dieu puisqu'on est dans un contexte monothéiste. Les sorcières ne sont donc que diabolisées, jamais divinisées, parce que le Dieu chrétien garde le monopole des remerciements, alors que dans un contexte polythéiste, c'est la victime elle-même, malgré sa diabolisation, que l'on remercie, à qui l'on est reconnaissants de nous avoir réconciliés puis éventuellement guéris par son départ si peu que la crise, même liée à une catastrophe naturelle, se résorbe d'elle-même.

Le mécanisme du bouc émissaire a fabriqué les dieux archaïques un peu comme il a fabriqué les sorcières.

Les dieux archaïques sont des boucs émissaires, des êtres humains, diabolisés mais également ensuite rapidement vénérés (notamment à travers les sacrifices qui renouvellent leur meurtre), et ainsi, sacralisés.

Cette explication n'a rien de mystique, elle est parfaitement rationnelle. Pour la comprendre, il faut tenir ensemble les faits (le meurtre collectif d'une victime humaine) et leur représentation (dans l'esprit des persécuteurs, cette victime humaine est plutôt pour eux au contraire une espèce de démon aux pouvoirs maléfiques extrêmes dont le meurtre s'avère salvateur, ce qu'ils appelleront un "dieu").

La violence dans la mythologie n'est pas purement imaginaire. Elle s'enracine dans la violence réelle des hommes.

C'est vrai de la guerre de Troie, on le sait suffisamment, mais c'est vrai aussi probablement, par exemple, et là on l'ignore complètement, du meurtre collectif puis du démembrement de Dionysos. Ce sont des flambées de violence humaine réelles que toutes les mythologies du monde, ensuite, déforment, transfigurent, magnifient, embellissent, ou au contraire occultent, dissimulent, etc. Les mythes ne sont pas de pures fictions. Derrière les mythes (peut-être pas derrière tous absolument, mais au moins derrière la plupart), il y a des faits réels, que la théorie mimétique permet désormais de considérer comme probables dans le cas d'un mythe donné et comme certains dans le cas de la mythologie en général, car ce n'est pas par pur hasard ou par pure imagination qu'il y a des meurtres collectifs dans la mythologie ; le comportement des chimpanzés, déjà, témoigne déjà du fait que passé un certain seuil mimétique ils sont fréquents, et les meurtres collectifs, chez les humains, nous le savons, ne sont pas rares non plus.

Martin
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