Eucharistie et théorie mimétique

L'Eucharistie, c'est la Communion au pain et au vin consacrés devenus Corps et Sang de Jésus-Christ. Je vais utiliser les éléments principaux de la théorie mimétique (désir, rivalité, crise mimétiques, phénomène de bouc émissaire et sacrifice) pour étudier l'Eucharistie sous chacun de ces angles.

Désir mimétique. D'après René Girard, "tout désir est désir d'être". Plutôt que l'objet, c'est l'être du modèle qui nous le désigne que nous désirons. Nos modèles devenant fréquemment des obstacles, leur être le plus souvent nous échappe, se dérobe. Dans l'Eucharistie au contraire, Jésus nous donne son être, il n'y a pas d'obstacle entre Lui et nous.

La vie chrétienne, ensuite, peut se penser comme "imitation de Jésus-Christ" mais, là encore, le modèle est en nous : "devenez ce que vous recevez" nous dit un chant de Communion. La distance entre Jésus et nous s'abolit : "vous en moi et moi en vous".

Rivalité mimétique. Fils d'un même Père, nous disons le "Notre Père" pour préparer l'Eucharistie. La Fraternité est une valeur d'abord et avant tout chrétienne. L'Eucharistie éloigne des conflits, éloigne les conflits. Elle est Communion, elle fonde une unité où chacun accepte de pardonner aux autres, et c'est parfois très difficile : "pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés".

Crise mimétique. Là encore l'Eucharistie est le contraire de la guerre de tous contre tous. C'est "la Paix du Christ" qu'elle apporte et non "la paix telle que le monde la donne" qui repose sur des inimitiés communes, sur un haïr ensemble dont la Fraternité chrétienne, l'Amour chrétien, nous éloigne, nous délivre.

Phénomène de bouc émissaire. Jésus n'est pas bourreau mais victime. Le mot "Hostie" veut d'ailleurs dire "Victime". Jésus est la victime consentante d'un phénomène de bouc émissaire. La symbolique de l'Eucharistie (Corps et Sang) évoque même l'anthropophagie. Il y a là il me semble quelque chose qu'il ne faut pas fuir, qu'il faut regarder en face, d'accusateur. Jésus sait qu'il va mourir de la façon la plus cruelle, abandonné de tous, lorsqu'il institue l'Eucharistie. L'Eucharistie nous rappelle la violence humaine, notre propre violence ou notre lâcheté. Ce n'est pas une mise en accusation pesante cependant car Jésus pardonne nos péchés. De plus, nous devenons nous-mêmes Jésus à travers l'Eucharistie, nous nous identifions à Lui, nous devenons à notre tour victimes plutôt que bourreaux. Nous entrons dans la logique de l'Amour chrétien qui a fait dire à Jésus : "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime".

Sacrifice. Le sacrifice chrétien, l'Eucharistie, est le contraire des sacrifices humains et animaux. Le sacrifice de soi non-violent s'oppose au sacrifice d'autrui tout comme au sacrifice d'un animal et les remplace, les abolit, définitivement.

Le sacrifice de soi chrétien non-violent s'oppose aussi au sacrifice de soi guerrier. Avec moins de succès cependant car le christianisme a mis fin aux sacrifices sanglants mais pas à la guerre. L'imitation de Jésus-Christ par les chrétiens laisse parfois à désirer.

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L'Eucharistie est, on le voit, l'antidote au cycle mimétique (désir mimétique => rivalité mimétique => crise mimétique => phénomène de bouc émissaire/tous contre un mimétique => sacrifice). Mon approche est ici exclusivement anthropologique, donc limitée : la Résurrection en est absente de même que le Saint Esprit. Seule une approche religieuse permet de compléter.