Théorie Mimétique
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Économie et Théorie mimétique

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Message  Martin Mystère Ven 31 Mar - 19:06

A Fabien



Économie et Théorie mimétique





J'ai coutume de résumer le volet psychosocial de la théorie mimétique (par opposition à son volet « anthropologie du religieux », plus complexe) par le schéma suivant :

Désir mimétique => Rivalité mimétique => Crise mimétique => Tous contre un mimétique


Appliqué à l'économie, ça donne à peu près ceci :

Avidité => Concurrence exacerbée => Crise économique => Boucs émissaires et Exclusion



Ce schéma va servir de fil conducteur à mon exploration des mécanismes généraux de l'économie à partir de la théorie mimétique.




Désir mimétique  - Avidité

Joseph Stiglitz a écrit un livre au titre éloquent pour caractériser notre époque : « Le Triomphe de la Cupidité ». La cupidité c'est le désir mimétique immodéré d'un objet particulier : l'Argent. Un autre économiste a vu, avant l'heure, des mécanismes mimétiques importants à l’œuvre dans l'économie : Thorstein Veblen. Pour lui, les riches rivalisent entre eux et les pauvres, quand ils le peuvent, les imitent. Les caprices mimétiques des uns deviennent les modes des autres. Il observe que certains produits de luxe se vendent mieux, paradoxalement, s'ils sont plus chers. C'est moins leur vraie valeur qui compte que le prestige qu'ils procurent. On parle de consommation ostentatoire.

La publicité repose sur le désir mimétique. Elle consiste à nous faire désirer ce que consomment de prestigieux modèles (« Tout désir est désir d'être » d'après René Girard) ou « ce qui rend jaloux les voisins » comme dit Goscinny dans Obélix et Compagnie. Elle associe également souvent un objet à nous faire désirer à un objet déjà désiré : une voiture à une jolie femme, par exemple ; la voiture en devient désirable, par contagion. La publicité suscite ou déplace le désir, pour nous manipuler.



Rivalité mimétique – Concurrence exacerbée

1) Concurrence :

La rivalité mimétique en économie, c'est la concurrence. René Girard la rapproche de la guerre. Le « mensonge romantique » c'est de ne voir en elle qu'aimable « compétition ». Jacques Généreux et Olivier Passet sont les seuls économistes que je connaisse à dénoncer la spirale mimétique négative, l'escalade inversée, déflationniste, que représente la course à la compétitivité. La « guerre des prix » entre grandes surfaces est un exemple de concurrence destructrice : le petit commerce et les petits producteurs en font les frais, de même que la santé des salariés du secteur, soumis à des cadences infernales. Entre États, penser qu'on va s'en sortir en dérobant des « parts de marché » aux voisins est utopique car, mimétiquement, ils nous rendront la pareille, et en exportant chez eux le chômage au lieu de le combattre vraiment, on se prive tous peu à peu de clients. C'est à celui qui contractera le plus sa propre économie en la privant de salaires et d'emplois pour faire des gains de productivité et  aller envahir le marché du voisin ! C'est à long terme suicidaire, autodestructeur. C'est comme la surpêche, qui vide les océans. La surcompétition, comme l'évasion fiscale ou la spéculation, vide l'économie de pouvoir d'achat. La société de consommation, quand la concurrence s'exacerbe, détruit le socle sur laquelle elle repose : la consommation !

2) Mépris du danger :

Dans La Zizanie, album d'Astérix, on trouve une planche extrêmement drôle et significative où le semeur de zizanie, Tullius Détritus, a si bien fait sur le bateau où il se trouve que l'équipage se dispute au point de négliger complètement les pirates sur le point d'attaquer. C'est une excellente image de ce que la discorde peut faire : obnubilés, trop occupés, par nos rivalités, nous devenons parfois aveugles aux dangers qui nous menacent. La concurrence économique est une forme de rivalité mimétique. Exacerbée, elle nous détourne des menaces écologiques (emballement climatique, perte vertigineuse de biodiversité) qui pèsent sur nous tout comme des menaces de crise économique qu'elle engendre elle-même (rivalités => crises).


Crise mimétique – Crise économique

1) Crises industrielles :

Qui a eu l'idée de penser les crises économiques comme des crises mimétiques ? Je ne vois personne sauf un virtuose du scénario de la bande dessinée, René Goscinny, qui, dans Obélix et Compagnie, décrit l'emballement mondial de la production de menhirs à partir du désir mimétique d'être « l'homme le plus important du village, car le plus riche » et de la publicité pour ce produit inutile dont une réplique malicieuse dit explicitement qu'elle a pour fondement la jalousie. Une sorte d'énarque avant l'heure lance le mouvement, et le langage comme les mœurs des hommes d'affaires se répandent comiquement dans le village d'Astérix. Il lance également la mode des menhirs dans le monde romain et c'est alors l'Empire tout entier qui se met de façon imprévue à en produire. La concurrence devient telle qu'elle précipite des esclaves au chômage, générant conflits sociaux et crise monétaire. Le village d'Astérix revient finalement à la sobriété heureuse et à la réduction du temps de travail mais après ce génial soubresaut devenu mondial, par emballement mimétique. C'est, sur le mode comique, ce qui nous arrive aujourd'hui. A notre époque, avec les risques climatiques, la pollution, la pauvreté endémique, le chômage de masse, la précarité généralisée, les risques financiers, Goscinny donnerait peut-être plus facilement dans l'inspiration tragique ou l'humour noir : le happy end semble de plus en plus improbable. Malgré son effort pédagogique, presque complètement ignoré (Bernard Lassablière a tout de même fait le lien entre René Girard et René Goscinny dans Ils sont fous ces humains), la crise qu'il décrit, qui n'en était qu'à son début, n'a pas cessé de s'aggraver.

2) Crises financières :

Les crises financières sont plus graves encore que les crises industrielles. La crise de 2008 a été endiguée, bien que nous n'en soyons pas encore sortis, mais celle de 29 a eu des conséquences politiques et historiques tragiques. Elle a permis à Hitler d'accéder au pouvoir et de précipiter le monde dans un déchaînement de violence, la Seconde Guerre mondiale.

Jean-Pierre Dupuy étudie d'un point de vue mimétique les paniques boursières. Une bulle, c'est un emballement mimétique, une ruée positive. Une bulle qui explose, un krach boursier, c'est un emballement mimétique, une ruée négative, un mouvement de panique. Une crise bancaire également. On en trouve une, en raccourci, dans Mary Poppins. Un enfant veut retirer son argent, le directeur refuse, des clients nerveux interprètent ce refus comme un signe de faillite, demandent à retirer le leur, d'autres les imitent, ça fait boule de neige, les guichets sont fermés. C'est l'effet papillon (petite cause grands effets, ici par emballement mimétique) en économie, comiquement représenté. Devant les sommes vertigineuses qui nourrissent aujourd'hui la spéculation et l'accélération délirante des échanges, mécanisés, informatisés, par exemple dans le trading à haute fréquence, on peut raisonnablement redouter le pire. On le doit, même, pour y trouver la volonté d'agir !


Tous contre un mimétique – Boucs émissaires et Exclusion

Les crises économiques font des victimes. Le génie du capitalisme est de ne pas les tuer tout de suite, de façon visible, comme la guerre. Les crises économiques engendrent de la souffrance. Elles ne tuent pas directement mais indirectement. Le capitalisme camoufle ses victimes, les met discrètement sous le tapis.

Les victimes des crises économiques sont de deux sortes, celles qu'elles font souffrir directement et celles que les peuples désignent quand ils ne repèrent pas les vraies causes de ces crises.

1) Exclusion :

C'est une grandeur du monde moderne de traiter les phénomènes d'abandon, de laissés-pour-compte, liés à nos omissions plus qu'à nos intentions délibérées, comme s'il s'agissait de violences actives, de phénomènes de bouc émissaire actifs, à travers le mot « exclusion » qui évoque une action plutôt qu'une omission. Un licenciement, c'est une exclusion active, mais la non-embauche de ceux que le libéralisme décomplexé qualifie ignominieusement d'« inemployables », par exemple, est une « exclusion » passive. Jésus, déjà, dans plusieurs paraboles des évangiles, dénonçait vigoureusement le péché par omission, y compris dans sa dimension économique (la parabole du riche qui ignore, méprise, snobe, le pauvre Lazare ; la parabole du Jugement Dernier qui évoque ceux qui ont soif, ont faim, sont nus, prisonniers, étrangers, malades ; la parabole du bon samaritain qui aborde même l'aspect matériel de la prise en charge d'une victime). Le système des castes, en Inde, avec tout à fait en bas les Dalits, les Intouchables, repose probablement, d'après la théorie mimétique, sur un ou des phénomènes de bouc émissaire passés mais au présent plus personne (en règle générale) n'exclut activement les « intouchables », ils sont mécaniquement exclus, ils sont exclus par le système. Le mot « exclusion » rend quand même responsables ceux qui font vivre un système de ses violences induites. Il témoigne d'un progrès de la conscience morale.

La concurrence exacerbée génère de l'exclusion. Pour obtenir des gains de productivité, il faut produire plus avec moins de personnel et à moindre coût. Robotiser ou délocaliser sont bons pour la compétitivité. Mettre sous pression les salariés et geler leurs salaires, aussi. Le problème est que ça détruit peu à peu la demande, la consommation, donc que ça exige toujours davantage d'efforts pour attirer des consommateurs toujours aussi pauvres, toujours plus surmenés, et de moins en moins nombreux.

La conséquence la plus visible du darwinisme social actuel est le chômage. Dans certains pays on parvient à le dissimuler en le remplaçant par la précarité, le temps partiel, les contrats courts. La pauvreté n'est pas en reste : le pouvoir d'achat stagne ou régresse, certains doivent avoir recours à des aides humiliantes, faire parfois même les poubelles, pendant que d'autres « se gavent comme jamais » comme dit si bien Étienne Chouard. Les inégalités se creusent scandaleusement et nourrissent toujours plus la spéculation dont les exigences croissantes de rentabilité sur l'économie réelle sont désastreuses. Le nombre de SDFs augmente inexorablement mais populations et pouvoirs publics s'habituent, restent inertes, ne remontent pas à la source des problèmes. En même temps et pour les mêmes raisons, le surmenage, le burn-out, les troubles musculo-squelettiques (TMS), les problèmes cardiovasculaires liés au stress, la souffrance au travail se développent. J'oublie probablement des souffrances liées aux crises économiques comme l'exploitation éhontée du Tiers-Monde qui perdure et dont Elise Lucet, par exemple, nous a donné des preuves dans Cash Investigation. Ce n'est là qu'une description à grands traits, chacun complétera.

Le best-seller de Viviane Forrester s'intitulait avec justesse « L'Horreur économique ». C'est l'autre face du « miracle » économique, la révoltante vérité.

2) Boucs émissaires :

Crise => Boucs émissaires

Cette causalité est bien connue même si on remonte rarement à l'origine des crises : désirs et rivalités exacerbés.

En période de crise, la tentation de désigner des boucs émissaires est grande, et beaucoup y succombent. Ce sont, bien souvent, les étrangers qui sont diabolisés. La crise de 29 a été attribuée aux juifs, avec les conséquences que l'on sait. La crise actuelle est attribuée à l'immigration, aux arabes, aux musulmans. Le Front National est l'expression de ce rejet. Son pouvoir de ralliement est fondé essentiellement sur le phénomène de bouc émissaire. Ce n'est pas le nazisme, il n'a pas un projet d'extermination mais un projet de discrimination dans l'accès à l'emploi, aux prestations sociales, aux soins, etc. Plus la crise économique s'aggrave, plus il approche du pouvoir où il ferait des dégâts considérables. On voit rarement une crise se solder par un pourrissement. Au paroxysme, la résolution de toute crise est le plus souvent violente. Entre les banlieues et le FN, l'ambiance de guerre civile qu'il favorise déboucherait sans doute sur des affrontements réels. Ne jouons pas avec le feu. S'il est possible de lui faire efficacement barrage rapidement, par des politiques qui s'attaquent enfin aux vraies causes de la crise (avidité, concurrence exacerbée, dans l'industrie et la finance) et au principal symptôme de la crise, le chômage, faisons-le. Mais ne remplaçons pas ce mal par un autre mal, ne remplaçons pas absurdement le chômage, comme dans d'autres pays, par la précarité !

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Croissance, Compétitivité = Avidité, Rivalité

Le signe de notre folie collective n'est pas caché, il est visible, il s'affiche partout, il est si visible que personne ou presque ne le voit : nos industriels, nos banquiers, nos médias qu'ils achètent, tout comme ils achètent nos économistes et nos hommes politiques, vivent dans le double culte délirant de la Croissance et de la Compétitivité, dont ils attendent tout !

Quand on a compris que la Croissance n'est que le masque de l'Avidité, quand on a compris que la Compétitivité n'est que le masque de la Rivalité, on comprend immédiatement que l'on s'enfonce dans la crise en croyant la combattre, que l'on va vers l'exclusion et les boucs émissaires, par les moyens mêmes par lesquels on prétend y échapper ! Une idéologie sous-tend notre échec et c'est celle-là. Elle n'est pas cachée, elle est visible, mais elle nous est présentée toujours sous un jour favorable, plutôt que défavorable. Plus on s'enfonce dans la crise, plus il faudrait recourir à ces deux idoles : Croissance, Compétitivité ! Plus ça échoue, en somme, plus ça devrait finalement marcher ! Ce ne sont pas des remèdes bien sûr, qu'on nous propose, mais des chantages qu'on nous impose, pour accepter toujours plus de sacrifices au profit de toujours plus non pas de bien-être mais d'Avidité et de Rivalité.



Capitalisme, Communisme, Libéralisme


Ma critique personnelle, on le voit, n'est pas farouchement anticapitaliste. Elle vise moins à renverser le système qu'à prévenir les crises. Elle ne dessine pas, au moins à court terme, une refonte totale de l'économie mais un changement de cap pour éviter les catastrophes. Elle répond à l'urgence. Les débats de fond m'intéressent mais les désastres politique, économique et écologique à éviter sont imminents. C'est moins le système qu'il importe de changer, là, tout de suite, à mon avis, que les mentalités. C'est la double idolâtrie de la Croissance et de la Compétitivité qu'il s'agit de renverser et de remplacer par le choix, au niveau individuel comme au niveau collectif, de la Sobriété et de la Coopération, de la Solidarité.

Quand je critique trop le capitalisme, j'ai l'impression d'être hypocrite : l'ordinateur avec lequel j'écris, internet qui me permet de diffuser mes réflexions, etc., sont des produits du capitalisme. J'en jouis et ne veux donc pas le dénigrer exagérément. Je sais que l'exploitation, en particulier celle du Tiers-Monde est derrière, je voudrais contribuer à y mettre fin, mais ça ne dessine pas un refus absolu. Gaël Giraud et Cécile Renouard ont publié Vingt Propositions pour réformer le Capitalisme : c'est la ligne dans laquelle je me reconnais le mieux. J'ai coutume de dire que je préfère les évolutions aux révolutions. Les révolutions se font dans le violence et sont suivies d'une période d'instabilité. Dans une révolution, on sait ce que l'on perd, on ne sait pas très bien vers où l'on va. Mais face à la violence économique et à la surdité actuelle de nos dirigeants, abyssale, les évolutions ne s'obtiendront, je le crains, que par une révolution citoyenne d'une très grande fermeté, aussi pacifique que possible, mais qui n'échappera pas au rapport de force.

Le communisme est aujourd'hui encore de toutes les luttes aux côtés des plus pauvres, il a renoncé à la violence, mais après l'avoir déchaînée dans l'Histoire. Son action est ambiguë. Opposer à la violence économique une contre-violence équivalente n'a abouti qu'à des régimes totalitaires. D'où cette plaisanterie de Coluche, qui en dit tant en peu de mots : « Le capitalisme, c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le communisme, c'est le contraire ! »

La faille du marxisme est certainement dans la « dictature du Prolétariat » qu'il a longtemps prônée. Cette dictature se devait d'être provisoire mais objectivement, elle ne l'a jamais été : quand on prend le pouvoir par la violence, il est rare qu'on l'abandonne de bon gré ! Cependant, bien des acquis sociaux et des combats victorieux sont dus à l'action et à l'influence des communistes. Ils étaient nombreux dans la Résistance et dans les luttes pour améliorer nos conditions de vie.

Churchill disait de la démocratie qu'elle est « la pire forme de gouvernement, à l'exception de tous les autres. » De même que la démocratie me semble aussi le moins mauvais des régimes, le capitalisme, tempéré par des contre-pouvoirs, me semble le moins mauvais des systèmes. Il porte en lui des possibilités de réformes que des systèmes trop idéologiques n'ont pas.

Je suis bien plus sévère envers le libéralisme. La liberté est un idéal auquel je tiens aussi, mais la liberté, sans plus, en économie, est l'alliée objective des plus riches, pas des plus pauvres. Les libéraux sont d'autant plus coupables de vénérer et de faire vénérer Croissance et Compétitivité (Avidité et Rivalité) qu'ils sont intelligents !

Jaurès aurait dit : « Le libéralisme, c'est le renard libre dans le poulailler libre. » C'est pire que ça. Le libéralisme, ce sont les renards libres, en bande organisée, dans le poulailler libre. Les salariés sont plus nombreux que les banquiers ou les patrons mais ces derniers s'arrangent, toujours et partout, par ruse, en achetant médias et hommes politiques, pour diviser les salariés, ou bien les faire voter pour qui ils veulent, ou enfin mettre au pas rapidement comme en Grèce ceux qu'ils n'ont pas eux-mêmes choisis.

Le credo libéral (Croissance, Compétitivité) entretient la crise endémique actuelle (dette, austérité, déflation) et prépare la crise systémique prolongée (précarité et pauvreté généralisées) de même que les crises financières explosives à venir. Le Titanic doit corriger sa course ou il percutera l'iceberg !





Sobriété heureuse, Coopération, Prospérité, Souci des Victimes et Inclusion


Le schéma inspiré de la théorie mimétique sur lequel je m'appuie est le suivant :

Avidité => Concurrence exacerbée => Crise économique => Boucs émissaires et Exclusion


Il fait ressortir le fait que Croissance et Compétitivité (Avidité et Rivalité) ne sont pas des remèdes à la crise mais que leur emballement en est au contraire l'origine, la cause, le moteur ! L'anthropologie mimétique montre qu'une autre voie est nécessaire pour que la crise économique n'aille pas vers la résolution violente, sacrificielle, de toute crise. Mais laquelle ?

J'ai déjà tenté d'inverser le schéma de base de la théorie mimétique. Le résultat le plus étonnant est l'inversion du « tous contre un » qui met en évidence l'importance anthropologique des phénomènes positifs de « tous pour un » auxquels je m'intéresse désormais beaucoup. Les foules se mobilisent parfois pour une seule victime : c'est émouvant et source d'espérance !

Si j'inverse maintenant (avec plus ou moins de bonheur dans le choix du vocabulaire) le schéma inspiré de la théorie mimétique propre à l'économie, ça donne à peu près ceci :

Sobriété => Coopération (ou : Solidarité) => Prospérité => Souci des Victimes et Inclusion


La « sobriété heureuse » est prônée essentiellement aujourd'hui par Pierre Rabhi. Le pape François la mentionne également dans son encyclique Laudato Si consacrée aux problèmes écologiques. Elle est le meilleur antidote pacifique que je connaisse, que j'aie pu repérer dans les propositions actuelles, à l'avidité. Un autre antidote serait la justice, la vraie, donc des jugements équitables et si nécessaire la prison pour les plus avides, les pires voleurs. L'impôt réellement progressif est encore un antidote possible. J'en retiens un dans mon schéma, on peut en trouver d'autres.

La coopération, locale et internationale, pour des régulations, des arbitrages, efficaces, est le seul vrai moyen que je connaisse de maîtriser l'emballement de la compétitivité, de la compétition, de la guerre économique, dont les dommages sont déjà innombrables et pourraient s'aggraver encore si l'on s'obstine dans cette voie. Exacerber la concurrence est suicidaire, autodestructeur, et sans en avoir conscience, c'est ce que nos industriels, nos banquiers, nos hommes politiques, font en propageant le catéchisme infernal de la Compétitivité !

La paix économique et la prospérité pourraient être les fruits de la sobriété et de la coopération. Je ne m'y attarde pas. Des éléments de croissance verte, d'autres de décroissance soutenable, d'autres enfin de décroissance douloureuse mais nécessaire, dans un partenariat réel, non hypocrite, dans la coopération locale et internationale, permettraient de corriger le tir et d'éviter, de prévenir, les catastrophes.

A propos de l'Esprit Saint, René Girard explique que le mot « Paraclet » qui le qualifie désigne le défenseur, l'avocat de la victime, dans un procès, par opposition à « Satan » qui désigne au contraire, dans un contexte judiciaire, l'accusateur. A la violence qui préside aux phénomènes de bouc émissaire, aux sacrifices, René Girard oppose le « souci des victimes », valeur dominante du monde moderne d'après lui, piétinée au XXe siècle, souvent caricaturalement revendiquée aujourd'hui. La défense des victimes s'est laïcisée. C'est elle que nous opposons sans cesse à la tentation toujours renouvelée de désigner des boucs émissaires. C'est une forme de « tous pour un » ou de « tous pour quelques-uns » quand  on défend une minorité. A l'exclusion, nous opposons notre désir d'intégrer, d'inclure, les exclus. L'inclusion n'est pas toujours possible mais la rechercher sans cesse sera toujours mieux que nous résoudre à l'indifférence ou au rejet. Nous devons y mettre notre cœur mais aussi notre intelligence et nos bras, sans quoi nous resterons dans un sentimentalisme stérile. Notre vocation, révélée par le christianisme, que nous parvenions ou non à la réaliser et même, que Dieu existe ou pas, n'est pas de mépriser ou de haïr, et donc d'exclure, finalement, nous le savons tous plus ou moins désormais, mais d'aimer.

Commencé le 52 (oui, 52 !) mars 2016 du mouvement Nuit Debout

Martin Mystère

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Date d'inscription : 07/02/2014

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