Théorie Mimétique
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Apocalypse et théorie mimétique

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Message  Martin Ven 29 Juil - 19:19

La théorie mimétique étudie la succession entre désir mimétique, rivalité mimétique, crise mimétique et tous contre un mimétique. René Girard explique que la croix du Christ discrédite les tous contre un mimétiques en nous faisant percevoir qu'un innocent peut être persécuté par une foule unanime. Ajoutons à cela la Shoah, le génocide, l'holocauste nazis, qui nous rend particulièrement sensibles aux phénomènes de bouc émissaire, à tout départ de feu de la violence collective. En Occident, les foules préfèrent désormais les tous pour un aux tous contre un et c'est heureux. Mais en nous privant de toute possibilité sacrificielle de résolution des crises mimétiques, la croix comme la méditation de la Shoah nous vouent sans fin aux crises mimétiques. Si nous ne combattons pas les conflits mimétiques avec la même force que nous dénonçons le phénomène de bouc émissaire, nous sommes voués à des conflits permanents, toujours susceptibles de s'emballer et de nous conduire, individuellement ou collectivement, au désastre, étant donnés les moyens actuels de destruction. Avec le phénomène de bouc émissaire, la violence pouvait devenir provisoirement constructive, ordre sacrificiel, ordre injuste mais relativement stable, alors qu'elle n'est plus, aujourd'hui, globalement, qu'autodestructrice.

Pour René Girard, nous sommes en situation d'apocalypse objective. Apocalypse veut dire "révélation". L'apocalypse est révélation de la violence non pas divine, mais humaine, qui menace aujourd'hui objectivement de détruire le monde. Signe des temps : de nos jours, les plus intelligents rejoignent les plus fous dans une indifférenciation étrange. Le génie, hypermimétique, a toujours été menacé de basculer dans la folie, par emballement de ses désirs et de ses peurs, mais la pensée apocalyptique n'est plus fondée désormais sur une peur irrationnelle, sur une peur devenue panique, sur une peur qui s'emballe, mais elle repose au contraire sur une peur légitime, sur une peur rationnelle, sur une peur basée sur la compréhension de ce que peut et de ce que veut l'être humain, sur une vision claire de l'irresponsabilité des hommes livrés à leurs envies mimétiques débridées. L'attente angoissée de la fin du monde n'est plus le fait de quelques illuminés seulement qui l'attendent absurdement pour 2012, comme si elle était à ce point prévisible, mais elle est une possibilité réelle non datée, mais que même les plus sages désormais doivent, ou devraient, prendre en compte. Stanley Kubrick s'amuse de l'apocalypse nucléaire dans Docteur Folamour. Apocalypse now n'est pas qu'un titre racoleur, c'est aussi une réalité. Titanic, qui retrace le naufrage tragique par aveuglement et par orgueil de l'un des paquebots les plus imposants et les plus sûrs en apparences qui aient jamais été construits, offre également l'image la plus pertinente qui soit des risques encourus par l'humanité entière et par une civilisation qui deviendrait trop imbue d'elle-même. La pensée la plus juste, aujourd'hui, est apocalyptique. L'apocalypse est devenue la mesure objective d'un risque, pas une certitude absolue, heureusement. Mais si nous ne mesurons pas ce risque et si ne nous en protégeons pas en proportion, nous rendons davantage probable une fin tragique de l'humanité.

Les risques qui pèsent sur nous sont énormes. Les bombes atomiques nous menacent d'un suicide collectif ou d'une attaque terroriste sans précédent. L'épuisement des ressources terrestres du fait de l'emballement de la consommation pourrait signer également une apocalypse plus douce mais redoutable à cause des détraquements climatiques qu'elle engendrerait. La multiplication des échanges, l'accroissement de la population humaine, regroupée dans des villes, la baisse d'efficacité des antibiotiques, rendent de plus en plus probable le scénario catastrophe d'une nouvelle épidémie ou de nouvelles épidémies que rien ne parviendrait à endiguer, ou le retour de maladies endémiques telle que la tuberculose, que rien ne pourrait plus soigner, et nous y sommes. Dieu n'a pas empêché la peste au Moyen Age, on ne voit pas pourquoi il empêcherait de nouvelles maladies de ruiner nos réussites médicales récentes. Les manipulations génétiques, les OGM, ou bien les nanotechnologies, peuvent permettre aux scientifiques de faire à peu près n'importe quoi : du très bénéfique comme du parfaitement catastrophique. Qui freinera nos apprentis sorciers en blouse blanche dont la seule morale semble être la folle curiosité et le financement par des industries et des circuits financiers sans âme ? L’interconnexion des ordinateurs est en partie un bienfait mais nous rend vulnérables à la contagion des mauvais désirs et rend vulnérables les ordinateurs à des virus informatiques dont un progrès décisif dans la malveillance et l'efficacité pourraient désorganiser quantité de services. Une crise économique ou une crise des matières premières nous plongeraient, nous plongeront, dans souffrances terribles. J'ai appris récemment qu'une centrale nucléaire civile pouvait, sous certaines conditions, donner lieu à une explosion non pas chimique mais nucléaire. Et j'en oublie sans doute. Les plus fous ne sont pas si fous de se préparer à des situations de survie extrêmes : quantités de menaces pourraient désorganiser complètement nos sociétés où nos réseaux ne résisteraient pas à la perte de trop de maillons, par maladie, détraquement des machines, ou que sais-je encore. L'équilibre actuel est fragile, infiniment plus fragile que nous ne le pensons habituellement et seuls quelques détraqués à une extrémité et quelques consciences aiguës à l'autre semblent mesurer cette fragilité. Cette conscience cependant se démocratise, mais elle ne ne change pas, ou peu, le plus souvent, nos comportements.

Face à ces menaces, René Girard prêche, dans le désert apparemment, l'urgence absolue de la réconciliation. Cette réconciliation a déjà eu lieu entre la France et l'Allemagne, entre les États-Unis et la Russie, mais d'autres ennemis héréditaires menacent de s'envoyer des bombes atomiques à la figure : l'Inde et la Pakistan, la Corée du Nord et la Corée du Sud, l'Iran et Israël. Jouer entre eux les médiateurs est d'une importance capitale pour le destin de l'humanité. Ensuite, le monde musulman, traversé par l'islamisme, affronte idéologiquement le christianisme sur internet, avec beaucoup de ressentiment visible de part et d'autre, et, comble du comble, la théorie mimétique se trouve réinvestie par certains dans cet affrontement des doubles, dans cette montée aux extrêmes qui ne peut qu'aiguiser encore la folie destructrice des islamistes et la violence rampante des fondamentalistes d'extrême droite. Pacifier le monde est une urgence et nous n'en prenons visiblement pas le chemin. Les passionnés d'ésotérisme qui vont méditer autour de cristaux à Bugarach ne sont pas si stupides : la paix dans le monde commence en soi, autour de soi, et travailler à cette paix, c'est contribuer modestement mais objectivement à "sauver le monde". Les délires d'hier deviennent des réalités aujourd'hui, les cartes sont brouillées. Le donquichottisme, si romantique et si comique qu'il soit de se prendre pour un chevalier, n'est plus totalement absurde : chacun de nos gestes contribue à sauver la planète ou au contraire à précipiter sa fin. Cette conscience peut nous rendre plus sages ou au contraire plus haineux envers nos voisins qui ne font pas les mêmes efforts que nous. Les conflits de styles de vie n'en sont que plus aigus.

Le XXIème siècle sera-t-il religieux ou non ? Je ne sais pas, mais une chose est sûre : il sera plus pacifique, conscient et responsable que jamais ou il ne sera pas. Se fabriquer son propre bunker ne nous sauvera pas. Seul, on ne tient pas longtemps. La survie n'est pas la vie. Le salut de l'humanité ne peut être que collectif. Faire la paix en soi, autour de soi, et agir chacun, en fonction de ses compétences et de ses moyens à arranger les choses, partout où c'est possible, devient indispensable. L'encyclique Pacem in Terris (Paix sur la Terre), de Jean XXIII, adressée pour la première fois, en 1963, aux catholiques mais aussi "à tous les hommes de bonne volonté" est plus que jamais d'actualité. Avec réalisme, elle explique que la paix repose sur quatre grands principes : la vérité, la justice, l'amour et la liberté. Seul un surcroît d'intelligence et d'amour, chrétien ou non chrétien, à mon avis, peut épargner le pire, à nous-mêmes ou bien à nos enfants. Comme René Girard aime à le dire avec Hölderlin : "Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve." David a pu gagner contre Goliath. Nous ne devons pas perdre espoir. Pour un chrétien, le grain de sable dans la machine sacrificielle, dans la machine à tout détruire, y a déjà été introduit et c'est le Christ. Les soubresauts de cette machine ne sont que des soubresauts et quand bien même le monde entier viendrait à disparaître, il reste au chrétien l'espoir d'une résurrection. Ce qui ne doit pas le dispenser de retrousser ses manches, avec tous ceux qui ne restent pas inactifs et qui travaillent à inverser, s'il se peut, le cours apparemment inexorable des choses.

Martin
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Apocalypse et théorie mimétique Empty Quelle serait la meilleure réconciliation?

Message  Sarescaa Ven 15 Jan - 2:48

Martin a écrit:
Si nous ne combattons pas les conflits mimétiques avec la même force que nous dénonçons le phénomène de bouc émissaire, nous sommes voués à des conflits permanents, toujours susceptibles de s'emballer et de nous conduire, individuellement ou collectivement, au désastre, étant donnés les moyens actuels de destruction. Avec le phénomène de bouc émissaire, la violence pouvait devenir provisoirement constructive, ordre sacrificiel, ordre injuste mais relativement stable, alors qu'elle n'est plus, aujourd'hui, globalement, qu'autodestructrice.

J'aime bien ce passage, dans lequel il y a une trace d'espoir, alors que ce message est centré sur la mise en évidence de catastrophes latentes les unes les plus terribles que les autres. Oui, au fond, nous n'avons pas tort d'être attentifs au fait que personne ne doive se retrouver dans le rôle de bouc émissaire. Les conflits peuvent se résolvent autrement, dans nos sociétés, notamment grâce aux dispositifs juridiques, qui sont mieux armés que les églises pour dissuader les gens à se comporter en fonction de lois. Ce qui ne veut pas dire que les églises ou les religions n'ont pas un rôle à jouer dans un sens à rendre les gens plus aptes à vivre pacifiquement en société, ce que je vais développer ci-dessous.

Mais pour en revenir à cette trace d'optimisme, que j'ai cru percevoir dans le passage cité, il s'agit de cette phrase sur la violence constructive et de la préférence de la part d'une majorité souveraine, par  "volonté générale" ou "décision démocratique" d'un ordre injuste mais relativement stable. C'est-à-dire qu'il serait envisageable de conserver cet aspect bénéfique des sociétés sacrificielles tout en se réclamant aussi des acquis à propos du mécanisme victimaire, désormais connu. Pour que cette situation prenne corps il faudrait probablement opter pour des politiques plus conservatrices, avec comme conséquence une diminution des acquis sociaux visant des catégories de personnes, qui actuellement sont nombreux, mais aussi avec un frein aux innovations technologiques, du moment que ce sont justement elles qui entraînent des mutations sociales gigantesques, donnant lieu à une inflation de mimétismes incontrôlables. Nous vivons tellement aux antipodes d'une société conservatrice, nous avons une telle soif de changement, que même les partis les plus conservateurs sont incapables de proposer des solutions véritablement conservatrices. Peut-être le mouvement de la décroissance est celui qui va le plus dans le sens d'une société stable et, de plus, respectueuse de la nature. Mais ce mouvement a été largement décrédibilisé dans les médias.
Martin a écrit:
Face à ces menaces, René Girard prêche, dans le désert apparemment, l'urgence absolue de la réconciliation. Cette réconciliation a déjà eu lieu entre la France et l'Allemagne, entre les États-Unis et la Russie, mais (...)  

Pour ce qui concerne la Réconciliation dont parle Girard, j'aurais plutôt tendance à penser qu'il ne s'agit pas essentiellement d'une paix civile et d'une collaboration entre les nations européennes. Je pense qu'il faudrait plutôt réfléchir du côté de la réconciliation avec les racines chrétiennes. Depuis l'invention de la laïcité, c'est elle qui trône au sommet de la pyramide des valeurs qui gouvernent la vie sociale. Pendant 150 ans, la laïcité a constitué en Europe plutôt un idéal qu'un état de fait et la société, c'est-à-dire que le mode de croyance des classes populaires, est resté christianisé. L'évolution spectaculaire vers le triomphe de la laïcité a eu lieu après 1950. L'église catholique elle-même a voulu marquer un changement à l'occasion du concile Vatican II. La laïcité n'est pas a priori ennemie de la religion, mais en trouvant comme alliée la science, elle finit par proposer un modèle culturel complètement hostile aux traditions religieuses, jugées irrationnelles. Beaucoup de gens pensent qu'avec les sciences on a progressé, aussi bien les sciences exactes que les sciences humaines, l'économie et le marketing. Mais Girard nous fait comprendre que le réel progrès se trouve dans la révélation biblique, qui a permis la prise de conscience du mécanisme victimaire. Ainsi, je suppose qu'une réconciliation bienfaisante serait de retrouver la conscience de l'importance de cet héritage chrétien, de le combiner avec la laïcité de sorte à ce qu'une expression publique, et de nos jours même médiatique, de vérités humanistes, concernant le bien de l'humanité, ne soit pas systématiquement considérée comme un énoncé qui, de fait, exclut la révélation chrétienne à cause de son côté trop irrationnel. On peut toujours rêver à cette réconciliation, ce n'est pas pour demain.
Martin a écrit:
Comme René Girard aime à le dire avec Hölderlin : "Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve." .

Peut-être que les attentats du 13 novembre sont le péril qui va réveiller les consciences. René Girard, qui n'était déjà plus de ce monde, n'a pas pu commenter ce qui s'est passé là, mais il nous a laissé bien des textes et des réflexions intelligentes pour nous aider à comprendre.

Sarescaa

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Message  Martin Mystère Lun 18 Jan - 18:19

René Girard disait de Roberto Calasso (son éditeur italien, écrivain, lui aussi) qu'il était réactionnaire et qu'il lui reprochait à lui, René Girard, de ne pas l'être. Calasso plaiderait pour une politique très conservatrice de restauration des différences sociales, etc., pas René Girard. Girard ajoutait que l’Évangile est, au contraire, "révolutionnaire au possible".

Ma remarque sur un ordre sacrificiel révolu n'exprimait aucune nostalgie : je suis plus progressiste que conservateur. Le "souci des victimes" lui-même m’enthousiasme bien davantage que la critique de ses dérives - qui fait vibrer les girardiens de droite (comme Zemmour, qui a lu Girard et dénonce - trop - le sentimentalisme irréfléchi).

Tout ce qui peut freiner - ou inverser - ce que vous appelez les "mimétismes" (et que j'appelle plutôt les "emballements") me semble cependant bienvenu, "décroissance" inclue.

Sur la réconciliation, Girard en parle dans Achever Clausewitz à propos des nations mais vous avez raison, ça va bien au-delà. Ce sont tous les frères ennemis, individus ou groupes, qu'il faudrait réconcilier.

La laïcité me semble indispensable au vivre-ensemble mais elle ne m'émeut pas beaucoup. J'y vois comme un christianisme au rabais, le degré minimal de l'amour du prochain : la tolérance, le respect. Les deux sont nécessaires - et mieux que leur contraire - mais l’Évangile va tellement plus loin !... Le pire est certainement le laïcisme, qui exclut le religieux, sans voir que par ce geste d'exclusion, il le perpétue (le religieux archaïque, au sens où Girard le définit, par la tendance à exclure, à sacrifier).

Le 13 novembre nous réveillera-t-il ? Girard déplorait déjà que le 11 septembre n'avait marqué qu'une parenthèse d'insécurité dans les consciences, vite refermée. L'optimisme fait facilement son travail d’ensevelissement. La fin de Madame Bovary exprime bien ce que je ressens : Homais, le pharmacien stupide, triomphe, reçoit tous les honneurs. A l'heure de tous les dangers c'est très très inquiétant mais la réalité est comme ça !...

Martin Mystère

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